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En débat : Faut-il généraliser un salaire décent ?

En débat : Faut-il généraliser un salaire décent ?

On appelle cela un télescopage dans l’actualité. La même semaine, le PDG de Michelin annonçait la création d’un salaire décent pour l’ensemble des 132 000 salariés du Groupe pour offrir aux familles de quoi s’alimenter, se loger, s’habiller, se soigner, pourvoir à l’éducation des enfants et même se constituer une épargne. Dans le même temps, on apprenait la rémunération du PDG de Stellantis et l’ONG Oxfam publiait une étude sur les rémunérations des patrons du CAC 40 dont le titre est sans équivoque : Cash 40 : trop de millions pour quelques hommes.

Quel est donc un salaire décent ? Quand devient-il indécent ? Le débat n’est pas nouveau. Dans le texte fondateur de l’Organisation internationale du travail (OIT) en 1919, on trouve déjà cette notion de « la garantie d’un salaire assurant des conditions d’existence convenables ».

Pour Florent Menegaux, PDG de Michelin, « le salaire minimum en France n’est pas suffisant aux yeux de Michelin pour répondre à ce que nous estimons être un salaire décent ». En France, ce salaire annuel « décent » pour un employé de Michelin à Paris s’établit à 39.638 euros par an et à 25.356 euros à Clermont-Ferrand alors que le Smic annuel atteint 21.203 euros. « C’est fidèle à nos valeurs. On ne peut pas demander à nos salariés de s’engager dans un projet collectif s’ils sont en mode de survie. Ils ont besoin d’une rémunération de base pour pouvoir se projeter ».

Les syndicats de Michelin n’ont pas tardé à réagir. Pour Nicolas Robert, Délégué Syndical Central Sud chez Michelin, interrogé par l’AFP, le “salaire décent” présenté par le patron du groupe est d’ailleurs “loin de la réalité”. « Nous avons de plus en plus de salariés qui peinent à finir les mois. Ils sont en mode survie depuis 3 ans. Ça fait mal au cœur pour une entreprise comme la nôtre. Le problème reste encore le même : le partage inégal des richesses ». Pour la CGT, la question se pose aussi et surtout dans la répartition des richesses et les écarts de salaires. « Nous avons des hauts cadres qui ont des bonus à presque 6 chiffres. C’est indécent d’un côté alors que de l’autre des salariés n’arrivent pas à se nourrir” ajoute Romain Baciak, représentant CGT de chez Michelin.

Un argument repris par le récent rapport d’Oxfam France sur les rémunérations des patrons du CAC 40. En 2022, les PDG ont gagné en moyenne 130 fois plus que leurs salariés, allant jusqu’à 1453 fois plus que le salaire moyen pour certaines entreprises. Dans son rapport, l’ONG milite pour :

« Imposer, dans un premier temps, un salaire maximum en garantissant un écart maximum de rémunération de 1 à 20 entre le salaire du dirigeant et le salaire médian de l’entreprise. Garantir un salaire décent sur l’ensemble de la chaîne de valeur et revoir en profondeur la structure de rémunération financière et court-termiste des PDG des grandes entreprises »

Dans une tribune publiée dans les échos, Denis Terrien (Président de l’Institut Français des Administrateurs (IFA) va dans ce sens : « L’évolution du partage de la valeur vers la création de valeur partagée est ainsi cruciale non seulement pour la durabilité des entreprises, mais aussi pour leur acceptation sociale et leur performance économique à long terme. (…) Il s’agit pour les conseils non seulement de répondre de manière plus complète et éthique aux défis contemporains, mais aussi d’assurer la viabilité à long terme de l’entreprise dans un écosystème global de plus en plus interconnecté et conscient des enjeux de durabilité […] En agissant ainsi, les entreprises ne se contentent pas de répondre aux pressions réglementaires ou sociales ; elles s’engagent activement dans une voie qui garantit leur pérennité et leur succès dans un monde en constante évolution ».

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