En débat : Faut-il un prix plancher en agriculture ?
À l’ouverture du salon de l’agriculture, le 24 février dernier, Emmanuel Macron a émis l’idée de la mise en place de prix planchers. Le chef de l’État a formulé l’objectif « qu’on puisse déboucher » sur « des prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole », dans le cadre de la préparation d’une nouvelle loi encadrant les relations entre les acteurs de l’alimentation et censée mieux répartir la valeur. Le 4 avril, une proposition de loi portée par les députés écologistes, a été adoptée en première lecture, à l’Assemblée Nationale, contre l’avis du gouvernement. Elle vise à garantir un « revenu digne aux agriculteurs » en fixant un prix minimal d’achat. Pour « garantir un revenu digne aux agriculteurs », le texte écologiste prévoit un prix minimal d’achat fixé par « une conférence publique » dans les filières qui le souhaitent, ou sur décision du gouvernement en cas de désaccord. Les prix ainsi déterminés permettraient de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic.
Dans une tribune publiée par Les Echos, Philippe Chalmin professeur d’histoire économique à l’université Paris Dauphine et spécialiste des matières premières, revient sur la proposition d’Emmanuel Macron de fixer des prix plancher pour les matières premières agricoles.
Le titre de sa tribune est sans équivoque « Prix plancher le miroir aux alouettes ». Philippe Chalmin rappelle que cette idée fut « le principe de base du fonctionnement de la PAC entre 1962 et le début de ce siècle. Le prix plancher s’appelait alors prix d’intervention : c’était le prix minimum garanti pour tout agriculteur européen (avec de subtiles différences suivant les régions et les époques). Le producteur pouvait, s’il ne trouvait pas preneur sur le marché, livrer sa marchandise à « l’intervention ». À l’origine, ce prix était garanti sans limitation de quantité ». Philippe Chalmin rappelle que tout cela était financé par les impôts et que les principales productions concernées étaient les céréales, le lait, le sucre ou la viande bovine.
Sauf que le principe est devenu couteux, que l’Europe est devenue excédentaire en production, et on décida de fixer des quotas. Au final, l’intervention a disparu et Bruxelles ne dispose quasiment plus d’outils de gestion des marchés.
Conclusion de Philippe Chalmin dans sa tribune des Echos: « Le faire au seul niveau français est irréalisable. Et au niveau européen, il s’agirait de revenir sur des mécanismes oubliés qui buteraient rapidement sur les mêmes problèmes qu’autrefois […]. Ces débats, nous les avons eus à la fin du siècle dernier et il n’est pas réaliste de chercher à revenir en arrière. L’idée de prix plancher peut séduire, elle n’est malheureusement qu’un miroir aux alouettes ».
Dans une tribune publiée sur le site The Conversation.
Xavier Hollandts Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business School et fin connaisseur des questions agricoles, propose une autre solution déjà mise en place dans d’autres pays et notamment le Farm bill aux États-Unis, pourtant pays roi du marché et de la libre concurrence. « Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à venir d’immenses défis, tant techniques et économiques qu’environnementaux » rappelle l’économiste.